dimanche 21 mars 2010

Trail du Ventoux

   Les photos de l'an dernier, les dunes ocres du départ, la forêt provençale sur la partie basse, et un soleil azur sur un maximum de neige au sommet, ça m'avait bien plu. Et puis ya l'ami Guitoune qui y avait fait une perf d'extraterrestre et nous chauffait en fin d'année pour venir se frotter au géant. Dans l'euphorie post STL et malgré un profil que je me savais inadapté, je craque et envoie mon inscription, tout comme Damien et Caro, et j'y embarque même mon voisin Eric. De quoi faire une bonne sortie entre potes.
Trail du Ventoux 2009
   Après une reprise un peu longue, les sensations reviennent en Février. La neige perturbe quand même pas mal les entrainements et les sorties longues sont légères en kilométrage. Me sentant un peu léger sur le volume et surtout le dénivelé, qui n'est déjà pas mon fort, je tente 2 grosses semaines d'entrainement, entrecoupées par une semaine plus light avec la petite course du Suzon (16km). Au total, j'accumule 250 km et 6500m D+ sur 4 semaines, une première pour moi. Je trouve que je le supporte pas mal. Mais ca m'amène à faire ma coupure un peu proche de l'évènement, à peine une semaine à faire du jus, je me sens bien préparé mais espère avoir assez récupéré avant le jour J.
Le Profil "lissé" du GPS. On y voit pas le milliard de petites montées de la deuxième partie
   La veille, prépa idéale comme toujours, je monte la petite famille à Tignes. Empilage bourrage de la caisse, 5h de trajet A/R dépilage débourrage sur place, et un temps de présence à 2000m un peu court pour espérer y faire du globule. Retour à la casba, derniers préparatifs, la nuit est courte, trop trop courte. D'ailleurs j'enfume le téléphone/réveil à 4h. Quand  il sonne, c'est Eric à la porte, qui me signale qu'on avait rdv 5mn plus tôt et que Damien nous attend 10mn plus tard à l'entrée de l'autoroute. Banzaï ! ! ! Tant pis pour les céréales, je me ferai un p'tit dej aux Figolus, heureusement que j'ai préparé mes boissons d'attente et de course la veille.

   On retrouve Damien, pas en avance sur l'horaire prévu, mais j'avais prévu de la marge. Parce qu'il faut toujours compter sur le 6ème sens de mon Pierre Richard préféré qui l'amène à jouer "SOS à Malibu sur la BAU" et donner secours à un pauvre vieux en détresse (voir son récit). Bon c'est pas l'tout, mais faudrait pas qu'on paralyse sur l'aire d'autoroute, reste un peu de trajet. On arrive quand même assez large sur Bédoin, récupérons les dossards et breuvages locaux avant de finir de nous préparer. Guitoune et l'ami Jeff sont déjà dans les starting bloc, on les rejoint sur la ligne de départ "des anonymes". Échauffement nul encore une fois, bon ca devient une habitude et sur 40km ça ne me traumatise pas, ya bien le temps.
Elites aux départ - photo @julien
   On laisse gentiment les élites prendre place, il manque quelques tête d'affiches mais ya quand même du sacré beau monde devant. On resserre les rangs et ca part juste après. Vite, évidement. Sortie du centre de loisir, je suis avec Guillaume. Vu nos séances habituelles au club, j'imagine que je vais pouvoir le tenir jusqu'à la première cote. Tu parles. Et vas-y qu'il double, gauche, droite. Coup d'oeil à la montre, on est à +15km/h, il est fou ou bien? J'insiste pas et laisse Damien prendre la suite, calme le jeu, rapidement rejoint par Jeff. On discute un peu.

Les Ocres (@Team.DenivPlus)
   Passage dans les ocres, salutations respectives avec Jérôme (Djadjej), qui s'envole peu après. C'est beau., court, mais beau. Arrive la première cote, on alterne course et marche, Jeff part aussi. Je m'y attendais. J'essaye de ne pas trop me laisser entrainer. J'ai en mémoire les mots de Guillaume qui conseille d'arriver bien frais à mi-parcours. Je suis quand même pas trop mal le flot des coureurs. C'est l'heure du chemin des crêtes. Le plafond est bas et le panorama limité. Qu'importe, avec le vide à droite, les cailloux techniques, parfois glissants, et le rythme imposé, on a peu de temps pour regarder les paysages. Et des énormes marches naturelles à grimper, ça chauffe les cuissots. Je me rend compte que je ne perds quasiment aucune place. Même si on est en single et qu'il n'est pas super facile de doubler, ça m'interroge. Le gros bloc de D+ m'aurait fait progressé, ou suis je en sur-régime? Sans doute un peu des 2.

   Premier morceau de descente en single, je me rends compte que je ne peux pas descendre comme je veux, aucune possibilité de passer. Tant pis, je patiente. Au septième, un bon raidard dans la forêt. Je tiens encore bien, me laisse légèrement décrocher d'un groupe mais pas doubler par le groupe suivant, j'ai pas trop l'impression de forcer. Le long plat descendant qui suit me fait comprendre que j'ai quand même déjà laissé pas mal de jus, j'ai du mal à relancer, ce qui devrait être mon point fort à cet endroit assez roulant. J'oublie un peu qu'autour de moi tous ne font pas les +40km. Passé le 10ème, 1h15,  une longue cote doit nous amener au ravito et j'suis déjà dans les choux. Je monte, je monte, pas si mal, mais j'ai le carafon en surchauffe et je commence à me demander si je vais pas bifurquer sur le petit parcours. Je fais même plus que me le demander, je suis en train de rassembler toute ma motivation pour ne pas le faire, mais c'est clairement l'option qui se profile.

La montée avant les crêtes (@Team.DenivPlus)
   J'arrive au ravito en 1h45, je suis cramé. On est juste à 1000m D+ et il en reste autant à bouffer. Ça fait 20mn que je me maudit d'être là, moi et mon manque de préparation pour les profils montagnards. Faverges rebelote et dix de der. Presque 10h de caisse dans le week end pour courir 22Km, ca me fout les nerfs. Du coup je prend mon temps pour ravitailler, fait le plein de flotte de mon bidon, mange des trucs. 1mn30 sur place, quand j'avais prévu n'y rester qu'une dizaine de secondes. Je redémarre pas en grande forme mais avec un moral un peu meilleur, au moins hésitant. On arrive alors face à un mur dré dans le pentu. LE mur. On imagine le sourire sadique du traceur qui a voulu nous faire grimper par là. Bizarrement, je le passe bien. Ça me fait même marrer, on plaisante avec d'autres coureurs. En haut c'est la séparation des parcours. Je me laisse le temps d'une vidange pour prendre ma décision, et constate que la grosse majorité de ceux avec qui j'étais prennent l'option courte. Ça finit de me convaincre. J'en bavais certes, mais dans ces conditions c'est logique. Et en y allant plus cool, je dois pouvoir digérer la suite, d'autant qu'on ne monte pas jusqu'au sommet.

   On aborde immédiatement la neige. Assez peu gênante je trouve. La trace est déjà bien faite, ca porte suffisamment pour ne plus s'enfoncer, et l'adhérence est presque bonne. J'en vois certains mettre des Yatrax ou équivalant, ahhh ces sudistes. :) Faut dire qu'avec tout ce qu'on a bouffé comme blanc cet hiver, là c'est presque de la rigolade. Je marche patiemment et suis encore surpris de tenir le rythme des autres. Je monte les Prés de Michel à petite foulée et me permet même de lâcher un peu mes poursuivants. On rejoint alors une longue descente où petit à petit, je file au train et me libère vraiment. Je déroule un max sur la neige ou en dehors, passe les névé pleine balle, redouble pas mal de monde m'ayant passé avant le ravito. Moral au top, gazafond. C'est le début d'une bonne zone d'euphorie.
Montée en neige, mais assez courte (@Yann)
   On quitte rapidement la neige et continuons la descente entrecoupée par des petits coups de cul. Les descentes sont un peu technique, et je m'éclate à revenir facilement sur des concurrents devant moi. Dans les courtes montées, j'essaye de ne pas trop perdre de terrain. Je passe ainsi d'un groupe à l'autre, gagnant continuellement des places. Je suis d'ailleurs avec une féminine, alors 3ème, qui fait un peu la même remontée que moi. Elle est plus facile en montée et je la rejoint dans les descentes.


   Je ne m'en rend pas trop compte mais la proportion montée/descente s'inverse. La féminine, Christine Grosjean, disparait progressivement de mon paysage, je ne la reverrai plus. Je m'accroche quand même aux autres. A l'entame d'un beau pierrier, j'avise Jeff qui est déjà en haut. Il doit avoir dans les 3-5mn d'avance sur moi. Mais c'est aussi la fin de ma période euphorique. Coup d'oeil à la montre; Keooooooooua? Seulement 23km? Encore 20? J'ai les jambes bien lasses, les cuisses en feu à chaque montée. Et il est passé où mon foncier? Je me prend un coup de bambou, j'aurai parié avoir passé les 30. Je bascule légèrement en mode gestion, y compris en descente, même si je continue à mieux dévaler que mes voisins. Je m'accroche jusqu'au 2ème ravito, 3h36. Cuit et recuit, ya plus d'abonné aux jambes que vous demandez.


  Je prend à nouveau mon temps. Je me suis alimenté en gels et barres d'amandes depuis le début (1 par demi-heure, pas assez?), mais profite quand même des saucissons, chèvre et autres petits plaisirs qu'on nous propose sur la table. J'y traine 2mn30, pas pressé de repartir. Il faut bien pourtant. "Plus que 12km" annonce gentiment une bénévole. Je sais pas trop si je m'en dois m'en réjouir ou m'en morfondre. Heureusement ça attaque pas un bon bout de descente pour me remettre en jambe. On est un petit groupe de 5-6 et j'essaye alors de ne plus les lâcher.

Dernière montée (@Yann)
   Je vais tenir 5km au moral. Les montées sont pas trop longues et tant qu'on court je tiens. J'ai les cuisses en feu, mais je tiens. Sur le plat je suis un peu plus facile qu'eux, même si le terrain permet pas de dérouler facilement. En mode marche je perds du terrain, comme toujours. Que je reprend sur les parties descendantes, je veux pas les lâcher. Le petit groupe s'écrême et on se retrouve à 3 dans le même rythme, dont un ami de Damien (Pascal), mais ça je ne l'apprendrai qu'à l'arrivée. Alors que je suis légèrement décroché, on attaque une longue montée sur piste forestière. Pente douce, je rattrape et double mes acolytes en toute petite foulée alors qu'ils marchent. On voit pas la fin de la montée et ça parait interminable. Ça doit les énerver, quelques minutes plus tard un regroupement d'au moins 5 ou 6 types me passe en courant, je ne peux pas suivre. Passé 5mn je suis même obligé de reprendre la marche, et tout le monde s'éloigne rapidement. Il s'agit en fait de la dernière montée, mais ça il fallait le savoir.

   J'arrive en haut un peu isolé, personne devant ni derrière. Je bascule en 4h29. J'ai perdu pas mal de temps sur la fin du chemin, on m'annonce "7km de descente jusqu'à l'arrivée". Je ne le crois qu'à moitié, habitué à ce genre de prédiction fantaisiste, omettant volontairement ou non des petits raidars casse-patte en fin de course. Sans conviction j'attaque le large chemin qui zigzague sur le plateau, roulant mais piégeur avec ses nombreux cailloux. 7km, c'est plus d'une demi-heure. Avec les cuisses bien entamées, je suis quand même obligé de gérer un minimum. Assez rapidement je reviens sur les derniers du petit groupe. Plus rapidement que ce que je m'y attendais. Yes! Ça me booste un peu, et la partie raide qui suit est enfilée à un rythme beaucoup plus soutenu. J'en double par paquet, 5, 10, p'tet même 15 au total. D'abord ceux avec qui j'ai quitté le ravito, puis d'autres perdus de vue depuis encore plus longtemps.

   Le gros du dénivelé technique est descendu et c'est maintenant un long chemin roulant qui doit nous ramener à Bédoin. Le début de descente ma lancé, et je carbure bien, au train, surmotivé. Côté cuisses c'est pas le top mais ça tient, j'espère juste éviter une crampe qui me ferait perdre tout ce que je viens de gagner, ça serait trop bête. On traverse un ruisseau, j'y vais 4 à 4 dans l'eau et double encore 2 gonz, c'est plus l'heure de chercher à s'épargner les pieds. Puis un joli chemin sous grotte naturelle, il faut relancer, encore et encore. On sort de la montagne et j'aperçois une dernière proie, personne d'autre ne semble accessible. On est à +14km/h, je le remonte doucement, me contente de revenir à son niveau, puis le lâche légèrement.

   Les commentaires fantaisistes des spectateurs habituels. "Plus qu'1km", "Plus de 400m", "Plus que 800m", alors que des panneaux annoncent Bédoin à presque 2km. On a beau le savoir, c'est toujours aussi perturbant quand on a pas reconnu l'arrivée. On retrouve les ocres et on croise un coureur en sens inverse. Je l'entend annoncer à mon poursuivant "moins d'1km, mais ya un coup de cul à passer". Chiotte. Il est toujours en embuscade à une trentaine de mètres derrière, n'a visiblement pas l'intention de me laisser filer. J'attaque la cote pleine balle. S'il ne me recolle pas avant le haut, je sais que je tiendrais jusqu'à l'arrivée. Et ca passe. Descente, tour de stade pour qu'on maudisse un peu plus le traceur fou, et c'est l'arrivée.

   Toute la clique est là, Dam et Jeff sont arrivés quelques minutes plus tôt. Dam a galéré avec une tendinite au genou puis une belle entorse, lui faisant perdre les 30mn d'avance qu'il devait avoir sur moi. Jeff doit être content puisqu'il visait moins de 6h, même si le parcours est un peu différent de l'an dernier l'objectif est largement remplit. Eric arrivera un peu plus tard, mais fait une bonne course vu son manque de CAP ces dernières semaines.

   Le Guitoune, déjà changé/lavé/rasé, tente de m'arracher un sourire. "Ça t'as plu?" -> "J'en ai chié". Après 30mn de seuil et un final presque au sprint, c'est le seul commentaire qui me vient à l'esprit. Intérieurement je suis quand même bien content de m'être accroché sur le long, me suis bien marré sur les chemins technique, même si c'était pas qu'une partie de plaisir. Certes j'en ai bavé, p'tet plus que ce que je m'attendais, mais je termine avec un bon chrono et une belle place. Bon moins de 5h et 100ème ca aurait eu plus de gueule, mais là je fais le difficile :)
Sourire de vainqueur ou de vaincu?
   Au final donc, un très beau parcours, varié et super joli. La grande majorité de single et les relances permanentes sur la deuxième partie le rendent plaisant. Exigeant aussi, particulièrement technique, difficile de lever les yeux de la piste sous peine de sanction immédiate. Si j'évite l'entorse, les chevilles sont quand même parties un paquet de fois. Il nous a évidement manqué les points de vue sur la région et le passage au sommet de l'an dernier. Du côté sportif j'avais déjà bien assez des 40km/2100D+ du jour. Mais il faudra revenir pour voir ça par beau temps.

   Question prépa, j'ai trouvé que je suis mieux monté que d'habitude. Pas au niveau des autres, mais moins largué que d'habitude. Conséquence ou pas, j'ai été surpris de manquer de jus aussi vite dans la course, pas tellement au 14ème (montée initiale assez raide) mais surtout avant le 25ème. Même si je termine pas trop mal, sur la deuxième partie je me fais quand même prendre 10mn par Catherine Grosjean. Et si le profil montagne russe est casse-patte, il n'y avait plus de vraie difficulté ascensionnelle, ca aurait dû m'avantager pour rester à son niveau. Manque de foncier ou manque de fraicheur? Ma cote rodio me donne un score identique à la STL, ce qui confirme que je fais quand même une bonne course au global, conforme à mon niveau.
  
Résultats:
Hommes:
1. François d'Haene - 3 h 37 mn 38 s - Cote 1581
2. Ludovic Pommeret - 3 h 38 mn 51s
3. Christophe Malardé - 3 h 41 mn 28 s

Femmes:
1. Sandra Martin - 4 h 45 mn 50 s (70 ème scratch)
2. Christine Grosjean - 4 h 52 mn 35 s (87 ème scratch, 1ère V1)
3. Jen Segger - 5 h 04 mn 59 s (110ème scracth)

Chiffres:
  • Total: 5h02'53, Dist = 40.5km - 2100 D+.
  • Clas. 102ème/559. Cote Rodio: 1136
Courbes:

4 commentaires:

  1. Bravo champion !
    Le métier rentre avec de plus en plus de mental...
    Et quel récit ;)
    A+ sur les chemins

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  2. Cr aussi long que la course! Toujours impressioné par tout mental avec une peu plus de déniv dans les pattes la prochaine fois ca passera tout seul.
    Alors on réserve notre dossard pour l'année prochaine!

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  3. Salut,
    je découvre ton blog. j'habite chirens et on s'est croisé au rdv du sou pour la prépa vtt.
    j'étais aussi a l arrivée du ventoux(derriere toi) avec chantal.
    sinon, c' est marrant mais j'ai aussi croisé le guitoune sur le toe et le xpress gresivaudan.
    va falloir qu on s echange des parcours chirennois.
    bon trail et a bientot dans la vraie vie

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  4. @Ronan: Faudrait qu'on fasse mieux que de s'échanger quelques parcours, et qu'on vadrouille un peu ensemble.

    Je vais avoir quelques sorties longues à caser dans les prochaines semaines, je te tiens au jus.

    A bientôt.

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